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La portée des avis et l’impartialité des organes consultatifs

De « simples avis »

Dans son arrêt n°251.336 du 3 août 2021, le Conseil d’Etat rappelle la portée des avis rendus par les organes qui peuvent ou doivent être consultés au cours d’une procédure administrative comme par exemple lors de l’instruction d’un permis d’urbanisme.

Ainsi, sauf les cas où l’avis sollicité est dit « conforme » (c’est-à-dire un avis qui doit obligatoirement être suivi), l’autorité administrative qui prend la décision n’a pas l’obligation de se conformer aux avis recueillis au cours de la procédure administrative.

Si elle décide de s’en écarter, elle doit préciser, dans sa décision, « les motifs circonstanciés de nature à justifier raisonnablement son appréciation en opportunité et expliquant pourquoi elle s’écarte de ces avis ». A défaut, il pourrait lui être reproché de se rendre coupable d’une erreur manifeste d’appréciation, c’est-à-dire une erreur à ce point flagrante qu’une autre autorité administrative, placée dans la même situation, ne l’aurait pas commise (C.E., 11 mars 2021, n°250.089) ou qu’elle est incompréhensible pour tout observateur averti (C.E., 22 juin 2021, n°251.022).

Les avis sont donc là pour éclairer les autorités administratives et non pour la lier. Toutefois, si elle s’en écarte, elle doit alors expressément expliquer pourquoi.

L’impartialité ou l’apparence d’impartialité d’un organe d’avis

Les avis rendus par les instances consultées en cours de procédure administrative sont susceptibles d’influencer la décision qui sera finalement adoptée par l’autorité administrative.

Il est donc important qu’ils soient rendus par un organe dont l’impartialité ne fait pas de doute.

En effet, « le principe général d’impartialité doit être appliqué à tout organe de l’administration active et ce, même s’il ne s’agit que d’un organe consultatif chargé d’éclairer l’autorité compétente par un simple avis ou une proposition de décision » (C.E., 3 août 2021, n°251.336).

Remettre en cause l’impartialité d’un organe d’avis ?

Pour le Conseil d’Etat, « il suffit qu’une apparence de partialité ait pu susciter chez le citoyen concerné un doute légitime quant à l’aptitude à aborder sa cause en toute impartialité » (C.E., 3 août 2021, n°251.336).

Si cette affirmation est très large, le Conseil d’Etat la nuance aussitôt en précisant que «ce principe ne s’applique que dans la mesure où il se concilie avec la nature spécifique, et notamment avec la structure de l’administration active ».

Ainsi, l’impartialité d’un organe collégial sera nécessairement plus difficile à remettre en cause que celle d’un organe unipersonnel dont le représentant serait en conflit d’intérêt.

Selon le Conseil d’Etat, on ne peut mettre en cause l’impartialité d’une instance collégiale que si l’on rencontre deux conditions cumulatives :

« D’une part, des faits précis qui font planer des soupçons de partialité sur un ou plusieurs membres de ce collège peuvent être légalement constatés et que, d’autre part, il ressort des circonstances que la partialité de ce ou de ces membres a pu influencer l’ensemble du collège » (C.E., 3 août 2021, n°251.336).

Apparence d’impartialité : un exemple concret

Dans l’affaire qui a donné lieu à son arrêt n°251.336 du 3 août 2021, les parties requérantes dénonçaient le manque d’impartialité de la Commission consultative d’aménagement du territoire et de mobilité  (ci-dessous « CCATM ») en raison de la situation de conflit d’intérêt d’un de ses membres. En effet, elles relevaient que ce dernier avait été associé à l’élaboration du projet à l’instruction, en sa qualité d’architecte paysager.

Le Conseil d’Etat relève que les éléments du dossier ne permettent pas de démontrer que l’intéressé se serait abstenu lors du vote de la CCATM et, encore moins, qu’il aurait quitté la séance lors de ce vote.

Au contraire, il est établi que cette personne s’est intéressée au projet et a participé aux débats de la Commission sans que le procès-verbal de séance ne permette de déterminer son degré de participation aux discussions ayant précédé le vote.

Le Conseil d’Etat juge dès lors que « sa présence en qualité de membre de la commission consultative, alors qu’il est également intéressé au projet est de nature à faire planer un doute sur l’impartialité qui est attendue de la CCATM ».

Dans la mesure où le permis attaqué se fonde explicitement sur l’avis favorable conditionnel de la CCATM , le Conseil d’Etat estime que le moyen est fondé et annule le permis litigieux..

Pour toute question relative aux procédures d’instruction des permis ou, de manière plus générale, relatives aux procédures administratives, vous pouvez prendre contact avec Alexandre PATERNOSTRE ou Fabien HANS