Le chantier des réseaux hospitaliers locorégionaux: l’échéance du 1er janvier 2020 intenable ?

15 novembre 2019 Fabien HANS Santé

Mise à jour du 25 novembre 2019 : le 20 novembre dernier, la Ministre wallonne de la Santé a émis une circulaire à l’intention des hôpitaux afin de faire le point sur les démarches à accomplir en vue de l’agrément des réseaux hospitaliers. Plus d’information ici.

 

Tant à Bruxelles qu’en Région wallonne, les discussions vont bon train en vue de la conclusion de partenariats destinés à la création des réseaux hospitaliers locorégionaux.  Celles-ci se heurtent cependant à un cadre juridique largement incomplet à ce jour.

 

La nouvelle obligation d’affiliation à un réseau hospitalier

 

Le 7 avril 2019 est entrée en vigueur la loi du 28 février 2019 relative aux réseaux hospitaliers.

Il résulte de cette loi qu’au 1er janvier 2020, tout hôpital général du Royaume devra obligatoirement faire partie d’un réseau hospitalier clinique locorégional agréé.

Pour concrétiser cette réforme et permettre la mise en place des réseaux hospitaliers, plusieurs initiatives législatives et réglementaires étaient attendues :

♦  Tout d’abord, la loi du 28 févier 2019 habilite le Roi à prendre les arrêtés d’exécution indispensables pour définir les contours et le contenu d’un réseau hospitalier.

♦ Ensuite, une initiative régionale est nécessaire pour permettre la constitution de réseaux « publics/privés ».

♦  Enfin, la procédure et les conditions d’agrément du réseau hospitalier doivent être définies par les autorités compétentes en matière d’agrément.

Or, à moins de deux mois de l’échéance, le cadre réglementaire n’est toujours pas entièrement adopté pour permettre la mise en place et l’agrément de ces réseaux.

 

Les modalités concrètes de fonctionnement des futurs réseaux hospitaliers restent inconnues

 

Les arrêtés d’exécution de la loi du 28 février 2019 n’ont toujours pas vu le jour, en manière telle qu’il subsiste encore plusieurs inconnues quant aux modalités concrètes de fonctionnement des réseaux hospitaliers.

Ces arrêtés royaux sont censés définir, notamment, les missions de soins « locorégionales » et les missions de soins « suprarégionales ».  C’est en fonction de cette subdivision que l’on saura quelles missions de soins devront être pratiquées au sein des réseaux locorégionaux et celles qui seront réservées aux hôpitaux considérés comme « points de référence » pour exercer certaines missions de soins nécessitant une expertise dans un domaine donné.

Le Gouvernement étant en affaires courantes depuis le mois de mai dernier, on ignore quand ces arrêtés pourront être pris.  L’absence de ces arrêtés complique inévitablement les discussions entre partenaires potentiels au sein des réseaux, contraints de négocier à l’aveugle.

 

La difficulté de constituer des réseaux hospitaliers « publics / privés »

 

En l’état actuel du droit, les personnes morales de droit public ne peuvent s’associer avec des personnes morales de droit privé que sous la forme d’associations Chapitre XII » (ou Chapitre XIIbis à Bruxelles).

Cela pose au moins deux problèmes pour la constitution de réseaux « publics/privés ».

 

Tout d’abord, les organes des associations « Chapitre XII » devaient (en Région bruxelloise) ou doivent (en Région wallonne) être obligatoirement composés majoritairement de représentants des institutions publiques. Cela empêche en pratique toute constitution d’un réseau hospitalier public/privé, composé majoritairement d’hôpitaux privés.

En Région de Bruxelles-Capitale, la loi sur les CPAS a été adaptée par une ordonnance du 14 mars 2019 pour convertir cette obligation de composition publique majoritaire en une faculté.

En Région wallonne, aucun décret n’a été adopté en ce sens mais, comme on le verra ci-après, deux propositions de décrets sont sur le point d’être votées pour permettre la constitution de réseaux publics-privés sous la forme d’une asbl de droit privé.

 

Se pose ensuite la délicate question du contrôle des associations « chapitre XII » et « chapitre XIIbis ». A l’heure actuelle, celles-ci sont obligatoirement soumises à un contrôle de tutelle en raison du caractère essentiellement public de ces institutions.  Or, les partenaires privés au sein d’un réseau « public/privé » ne sont pas enclins à voir les décisions du réseau soumises à un tel contrôle lorsque ce réseau est majoritairement privé.

En Région de Bruxelles-Capitale, un avant-projet d’ordonnance a été rédigé pour permettre la constitution d’associations public/privé sous la forme d’asbl.  L’idée de dispenser les réseaux hospitaliers publics/privés du contrôle de tutelle de l’association faîtière IRIS fait cependant l’objet de vives réticences et, en l’état actuel des discussions, les projets de textes maintiennent un tel contrôle.

En Région wallonne, deux propositions de décrets ont été déposées au Parlement wallon, l’une concernant les CPAS et l’autre les Intercommunales.  Ces propositions de décrets ont été votées le 12 novembre dernier par la Commission wallonne des pouvoirs locaux. Elles doivent encore être confirmées en séance plénière du Parlement.  Elles consistent à permettre aux réseaux hospitaliers publics-privés de se constituer sous une forme juridique libre, la forme de l’asbl de droit privé étant cependant celle qui est principalement retenue.

Si, en Région wallonne, les contours de la forme juridique des réseaux publics-privés semblent sur le point de se dessiner, la situation reste bien plus incertaine en Région de Bruxelles-capitale.   Nul doute que cela complique la position des hôpitaux quant au choix des partenaires de réseau.

 

Le flou quant aux conditions d’agrément des réseaux hospitaliers

 

A l’heure actuelle, les conditions d’agrément de ces réseaux n’ont toujours pas été définies.

En Région de Bruxelles-Capitale, très peu d’éléments filtrent quant au contenu des conditions d’agrément qui seraient adoptées.

En Région wallonne, une proposition de décret visant à habiliter le Gouvernement wallon à déterminer les normes d’agrément en question s’apprête à être déposée.  Ceux-ci sont encore flous.  On parle essentiellement de trois critères, à savoir la qualité du territoire couvert par les réseaux, les relations avec les acteurs de santé de première ligne et l’intégration de partenariats avec le secteur de la santé mentale.

Compte tenu du peu d’avancées dans la définition des conditions d’agrément, on doit s’attendre à ce que, dans un premier temps, les demandes d’agrément des réseaux soient examinées exclusivement au regard des conditions fixées dans la loi fédérale du 28 février 2019.   Ce sera probablement dans un second temps que les autorités régionales définiront de nouvelles conditions d’agrément.  Restera à déterminer ce qu’il adviendra des réseaux hospitaliers agréés avant la date d’adoption de ces nouvelles conditions.

 

La procédure d’agrément des réseaux hospitaliers

 

En Région de Bruxelles-Capitale, un arrêté du Collège réuni de la COCOM du 9 juillet 2019 détermine la procédure d’agrément des réseaux hospitaliers. Ce texte n’apporte pas d’éléments très concrets autour du processus d’instruction des demandes d’agrément de réseaux.

A notre connaissance aucun texte n’a encore été adopté pour définir la procédure d’agrément des réseaux en Région wallonne.

 

Quelles conséquences pour une échéance intenable ?

 

Théoriquement, on pourrait déduire de la loi du 28 février 2019 qu’un hôpital général qui, au 1er janvier 2020, ne fera pas partie d’un réseau hospitalier locorégional agréé ne pourra plus être considéré comme hôpital au sens de l’article 2 des lois coordonnées sur les hôpitaux.

Doit-on en déduire que les autorités entreprendront, dès le 2 janvier 2020, des démarches en vue de retirer l’agrément des hôpitaux ne faisant pas partie d’un réseau ?  Etant donné l’extrême retard de la part des autorités fédérale et régionales dans l’adoption des textes visant à concrétiser le régime juridique des réseaux hospitaliers, cela paraît peu probable. Il n’empêche que l’insécurité juridique pouvant en découler pour les hôpitaux est importante.

 

 

 

Me Fabien HANS assiste et conseille plusieurs institutions hospitalières dans le cadre de leur gestion interne, de leurs relations avec les pouvoirs publics et de leurs relations avec les dispensateurs de soins.





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